La Paz
Nous voilà traînant en ville... Les activités à La Paz sont plutôt limitées, bien que ce soit une cité dans l'ensemble supportable, pour ne pas dire agréable. En plus, nous sommes installés dans un quartier sympa, au milieu du marché des sorcières. Nous arpentons les rues, à la recherche d'informations, mais l'office du tourisme et la compagnie aérienne (TACA), qui nous transportera au moins sur les premiers vols, sont fermées le week-end. Nous ne faisons pas grand chose de plus, fatigués par le vélo. Cependant le soir, sur les conseils de nos voisins d'hôtels, nous allons au cinéma voir "El Origen" (ou "Inception" en anglais), en VO sous-titrée en castillan ! Le film plaît à Nico, qui apprécie particulièrement ce type de science-fiction. Nous rigolons bien aussi : nous rentrons dans la salle avec nos numéros de place puis nous sommes accompagnés jusqu'à nos sièges par l'ouvreur. Le mieux reste, tout de même, que l'on déroule le tapis à l'ouverture des portes de la salle.
Le lendemain, dimanche, la visite est plus culturelle : nous visitons le musée des instruments de musique, histoire de changer de l'ethnographie. Il s'avère didactique et intéressant : des instruments primitifs aux contemporains, en passant par les classiques et les inventions sorties de la tête du créateur de l'établissement, Ernesto Cavour, telle que la guitare sèche à 5 manches ! ou le bouteillophone ! Top du top : le droit d'en essayer certains, ce qui donne envie à Pauline de se mettre à la trompette ! Nous avons cependant vite épuisé les possibilités et nous déambulons sans but, jusqu'à trouver une idée : et si nous allions en montagne ? Devant un couscous (au Marrakech), nous évaluons les différentes possibilités et nous nous voyons déjà dans la voie des français au Huayna Potosi, qui on peut admirer du centre-ville, comme le Mururata et l'Illimani d'ailleurs. Nous consacrons notre lundi aux basses tâches : TACA et office du tourisme qui nous renvoient dans la rue de l'électroménager pour y trouver des cartons, à notre étonnement, payants (et chers : entre 30 et 35 bolos celui de frigo, la taille qu'il nous faut pour y ranger les vélos).
Ensuite, nous faisons le tour des agences de tourisme pour trouver un moyen de transport jusqu'au Col Zongo, point de départ pour le Huayna (le seul colectivo part à 6h du matin d'El Alto !). Nousen profitons pour demander les conditions mais ça n'a pas l'air terrible : 2 personnes y seraient mortes récemment. La voie serait dure à cause du faible enneigement de cette trop sèche année. Nous commençons à douter de notre choix... En tout cas, nous faisons une croix sur l'initiation au kayak envisagée car le prix est exorbitant (85 US$ / pers. pour une journée) faute de concurrence : une seule agence propose cette activité. Pour finir, on retourne au ciné, mais nous loupons Shrek 4, car les séances pour ce film, hautement intellectuel, ne sont qu'en journée !
Nico retrouve le sourire ce matin-là, grâce à la découverte d'un site de grimpe au bon potentiel, Aranjuez, à 1/2h de bus du centre ! Depuis le temps qu'il fait des pompes pour se maintenir en forme ! Puis nous nous attelons à la recherche de cadeaux et nous trouvons notamment notre bonheur chez Olivier, un français installé avec sa femme bolivienne et ses deux enfants, à la capitale. Il récupère dans les campagnes de vieux tissus (couvertures, ponchos, sacs à farine...) pour les intégrer dans des vêtements ou des accessoires. C'est vraiment réussi et Pauline se "lâche" sur les achats ! Au bas de chez nous, nous sourions des sorciers qui lisent l'avenir dans les feuilles de coca. Mais ils ne travaillent pas pour les gringos...
Mercredi, nous repoussons notre séance de grimpe, faute de voisins discrets ! Sont bien gentils, mais ils vivent "en décalé" : musique jusqu'à 23h, sortie en boîte après et retour entre 4 et 5h, ces messieurs discutant gaiement ! Auraient-ils pris un verre ou deux que cela ne nous étonnerait pas ! Bref, à chacun son mode de vie et son mode de voyage. Nous explorons les montagnes, eux le monde de la nuit des capitales !
Nuit suivante, rebelotte mais nous allons tout de même grimper : au moins, si nous sommes fatigués, nous espérons trouver le sommeil ce soir malgré le boucan... Le site est très sympa malgré la route passante : pas de marche d'approche, exposition au soleil à notre choix (mais nous préférons l'ombre, car malgré l'altitude, il est écrasant). La reprise est un peu dure, mais le caillou nous ravit : un conglomérat de galets. Nous profitons jusqu'à plus soif et le soir, après un passage chez Olivier pour discuter en français, histoire de se remettre dans le bain, nous retrouvons nos amis suisses rencontrés à Choquequirau. Non seulement nous sommes en cours de tractation commerciale (ils souhaitent racheter notre tente), mais nous pouvons faire taxi commun, car ils vont en montagne dans le même coin que nous. Nos plans ont été réajustés selon les conditions et nous visons le Pequeño Alpamayo par la directe et/ou la Cabeza del Condor. Nous verrons bien sur place.
La Cabeza del Condor
Nous avons RDV à 9h30 devant l'agence d'un de leurs compatriotes, car Roger et Cristina ont dégoté un taxi pour 200 Bs. Il nous monte jusqu'à la laguna Tuni à 2h30 - 3h de marche du Camp de Base (CB). Nous longeons la retenue d'eau puis nous empruntons un sentier qui domine d'autres lagunes plus haut situées. Tout le long du sentier, nous croisons des lamas, qui poussent parfois de petits cris comme des gémissements (hummm). A la dernière, nous nous installons le long du refuge, mais d'une part nous sommes offusqués par le prix (20Bs / pers. / nuit) et d'autre part, nous ne voyons pas nos amis, qui comptent faire la cuisine sur notre réchaud. Du coup, renseignements pris, nous nous rendons compte que le CB est encore à 1/4 d'heure de marche, de l'autre côté du lac. Nous déménageons notre tente rapidement et nous trouvons un emplacement encore mieux que le premier, non loin des suisses.
En discutant autour de nous, nous rencontrons deux français que nous avions aperçus à Tuni, Stella et Mathieu. Nous nous couchons tôt, fatigués par les courtes nuits précédentes et la petite approche. C'est d'autant mieux que le réveil sonne à 2h05 ! Nous laissons tomber la directe du Pequeno Alpamayo car trop sèche et trop fréquentée. Nous nous levons sans trop de mal (exceptionnel pour Pauline !). Il ne fait pas trop froid mais la lune s'est déjà couchée, la veinarde ! Un des derniers petits déjeuners "made in America Latina" (avoine améliorée)... Nous partons à la lueur des frontales, le long d'un sentier que nous avons du mal à suivre dans la nuit noire. Au poteau blanc indiqué sur notre topo, nous nous trompons car nous avons en tête la photo de l'ancien tracé vu dans le topo de Biggar. Nous remontons un pierrier des gros blocs puis un couloir de neige puis de vieille glace, jonché de cailloux, qui nous oblige à enfiler crampons et baudriers, d'autant que les rives ne sont pas propices à l'assurage.
Nous tirons une dernière longueur dans le rocher branlant pour atteindre une brèche donnant, judicieusement, sur le sommet d'un pierrier à la sente bien marquée. Nous traversons jusqu'à prendre pied sur le glacier. Pauline se transforme de nouveau en Vomito ! Transformation aussi rapide que Superman se change quand il entend une sirène de police ! Le soleil termine de se lever alors que nous traversons le glacier, un beau dédale de crevasses et de pénitents ralentissant la progression en coinçant la corde. Au CB, nous avions été tentés par la très belle arête ouest de l'aile gauche du Condoriri, mais son approche est plus longue et nous ne voyons pas l'attaque qui risque d'être sèche due à son orientation NW.
Nous n'empruntons pas la voie normale, car 2 cordées bombardent le couloir, mais l'arête SW. Nous contournons la rimaye pour remonter une petite longueur de neige immiscée dans le "rocher", belles piles d'assiettes aussi fragiles qu'instables. Nous passons successivement 2 dièdres en III puis le cheminement se fait plus facile, bien que toujours délicat. Prudemment, nous tirons des longueurs dans les zones les plus expos. Après une courte redescente, nous nous retrouvons à la brèche où débouche le couloir, bien sec, de la voie normale. Nico tire une grande longueur dans du mauvais caillou puis dans de la neige. La suite est plus plate sur le fil de l'arête, sauf au niveau d'un ressaut en escalier, côté III, qui nous paraît plus facile. Restent vingt mètres mais Pauline a besoin des encouragements de son compagnon pour se motiver car elle se sent fatiguée, le ventre vide...
A sommet, nous retrouvons deux français accompagnés par 2 guides. Ils nous expliquent qu'ils ont mis un peu de temps car les guides ont planté 3 spits (que nous n'avons pas vus) sur l'arête. Après quelques minutes, ils redescendent nous laissant savourer seuls des noix du Brésil et de la vue sur les montagnes alentour. A l'est, l'Amazonie se cache sous une mer de nuages. Il fait bon au soleil, on aurait envie de faire la sieste ici-même, mais il faut redescendre !
Regaillardie par l'instant et le goûter, notre cordée entame le chemin du retour, sans soucis sur l'arête faîtière. Seuls les soixante derniers mètres, jusqu'à la brèche, sont plus périlleux car aucun emplacement ne permet de poser une sangle pour un rappel. Nous trouvons bien l'emplacement d'un des spits, au sommet des difficultés, mais seulement la tige filetée. Les guides ont tout ramassé derrière eux ! Dommage, d'autant que Nico se fait chauffer le cou en moulinant, à l'ancienne, sa moitié (qui pèse le poids d'une entière (!?). Il déescalade ensuite...
A la brèche reste un spit, posé par d'autres et qui n'a pas été raflé. Nous tirons 30m de rappel pour prendre pied dans le couloir, d'abord étroit et en glace puis s'évasant en cône de déjections sales, parsemés de pénitents. La cordée précédente a tiré unrappel sur abalakov mais ils ont aussi retiré la cordelette. Seule Pauline descend en rappel tandis que les courageux déescaladent encore, le tout sur 90m, puis nous passons les rimayes, qui seconfondent avec les pénitents. Nous retrouvons un de nos sacs laissésur le glacier pour nous alléger et nous traçons rapidement jusqu'à la terre ferme, car il commence à faire chaud pour les ponts de neige. Nous retrouvons les français sur le début des cailloux, qui "nous attendent". Nous pique-niquons sommairement, avant de reprendre notre descente, sans passer par le même chemin qu'à l'aller : c'est plus facile par le nouveau sentier en rive droite du glacier. Nous ne regrettons pas d'être monté par le couloir, qui, bien qu'en piteuse condition, paraît beaucoup plus intéressant que cet immonde pierrier !
Assez rapidement, nous sommes au poteau blanc qui indique la bifurcation ratée à l'aller, puis la tente. Mathieu et Stella ne sont pas arrivés à leur sommet, car elle était brassée par l'altitude, tandis que Roger et Cristina ont pris un but au Pequeno Alpamayo, à cause d'un ressaut en glace. Christina est un peu frileuse dû à de nombreuses luxations d'épaule, alors... Nous mangeons un plat purement gastronomique : semoule + pâtes + soupe en sachet (lardons - lentilles) ! Bien câlés, nous nous effondrons, pour n'émerger qu'au lever suivant du soleil.
Au matin, Mathieu et des amis sont partis sur les traces des suisses en direction de l'aile droite (PD) du Condoriri, mais à 4h30 à la place de 2h30 ! De notre côté, nous plions la tente pour une ultime fois. Nous laissons le réchaud aux suisses et nous entamons le retour à la ville, juste derrière des anglais dont nous comptons profiter du véhicule. Nous les doublons, tranquilles, alors qu'ils bifurquent dans le fond de vallée, pour se faire prendre par leur chauffeur à un autre point de RDV, à 1h seulement du CB. Nous nous dépêchons en voyant partir le mini-bus, pour arriver à la route mais il en prend une autre ! Nous sommes dégoûtés, surtout pour les 500 m en footing chargés comme des mulets ! Nous poursuivons plus tranquillement jusqu'à Tuni, d'où le prochain colectivo partira que dans l'après-midi, à moins de prendre un taxi, qui ne se gêne pas, vue la situation reculée, pour faire grimper le prix. La situation est miraculeusement sauvée par un anglais (ou américain) qui rentre en beau taxi pick-up. Trois autres français profitent de l'aubaine et nous faisons le voyage-express (1h15, soit 3/4 d'heure de moins qu'à l'aller), dans la benne. Nous allons tellement vite sur la piste que la poussière ne parvient pas à nous rattraper !!!
Retour
Une fois à l'hôtel, nous réparons le tapis de sol de la tente puis nous mangeons, euh nous dévorons à El Amir, un autre marocain, assez bon marché. Nous réfléchissons à notre programme... Plus que 2 jours ! Nous aimerions visiter une vallée qui nous a été recommandée deux fois, la vallée de las Animas, mais nous manquons de temps. Nous finissons nos cadeaux, à deux près, ce qui nous prend beaucoup de la journée et nous cherchons notre copain Steph' et sa conquête argentine à leur hôtel, mais nous n'y trouvons personne. Dommage...
Le soir, nous avons RDV avec les suisses, mais quand nous sommes appelés par l'employé, c'est Steph' qui débarque ! Nous sommes très contents de le retrouver alors que nous avions espoir de le voir ! Cristina et Roger arrivent peu après pour la tente, mais ils sont indécis, car ils en ont trouvé une autre à vendre, moins chère mais moins bien et en plus, ils ont vu une fourgonnette WW à acheter ! Ils demandent un délai d'une journée supplémentaire de réflexion.
Nous partons tous les quatre pour rejoindre Steph' et Sabrina, afin de partager le repas. Nous trouvons un chinois, un peu "classe", surtout pour les franco-argentins, habillés style "comme chez mémé"... Mais en fait, les prix sont raisonables, surtout compte-tenu des bières vidées. La soirée se termine dans un bar, mais à une heure encore raisonnable car Steph' part demain pour le Huayna Potosi !
Dernier jour... Nous passons la journée dans les cartons... Comment faire rentrer un vélo dans un emballage de frigo ? Nous achetons les deux derniers cadeaux qui nous manquaient et nous en profitons pour nous en faire un : une flûte cheyenne (tribu canadienne, rien à voir avec la Bolivie ! ) fabriquée par notre "voisin du dessous", Agustin Porfillo, un luthier réputé ! Il est d'ailleurs vraiment serviable et nous discutons longuement avec lui. Il accorde tous les instruments de musique qu'il fabrique, contrairement à d'autres !
Les suisses ont fini par se décider et nous leur laissons la tente avec un petit pincement au coeur de vendre "notre maison". Mais elle aura une belle vie, encore en voyage ! Elle ira jusqu'à Ushuaïa, elle !!! En plus Roger et Cristina sont super sympas et le soir, ils nous offrent la pizza ! Nous ne regrettons pas de leur laisser notre coquille d'escargot ! Nous nous couchons vers 22h30, mais nous avons du mal à nous endormir... ce qui laisse peu d'heures de repos, d'autant que des fêtards nous réveillent 1h avant le réveil prévu à 5h ! Nous récupérons nos cartons, mais le taxi à qui nous avions réservé la course n'est pas au RDV. Nico nous dégotte un gars sympa et nous faisons le voyage avec un carton sur le toit, 1 à l'arrière et nous deux à la place avant droite... Mais nous sommes à l'heure !
L'enregistrement des bagages se fait non sans mal, surtout que le gabarit autorisé par TACA est ridiculement limité ! Il nous en coûte environ 500€ pour transporter nos montures, pour 150€ à l'aller ! Voyager low cost qu'y disaient ! On se demande s'ils n'ont pas compter tous les bagages en sur-poids ! (138kg au total). Mais ils acceptent... Ce n'est pas la fin des soucis, car les douanes ont choisi les cartons pour un contrôle inopiné. Ouf ! Ils n'ont pas de scotch, ce qui évite à Nico de tout démonter pour tout remonter. Après, c'est parti pour plus de 24h de vol : 1ère escale à Lima, où nous changeons au pas de course d'avion, car il y a moins de trente minutes entre les deux vols. Jusqu'à Caracas, nous sommes accompagnés d'un péruvien, Jaime, qui offre à Pauline une pierre correspondant à son signe archéologique (sic), non astrologique...
Au Vénézuela, 35°C ! Ca change de l'air frais de l'Altiplano ! Par chance, l'aéroport est climatisé, ce qui n'empêche pas les douaniers d'être cons ! Ils nous confisquent notre scotch, qui a passé trois contrôles de sécurité auparavant, le tout sans bonjour ni merci, ni aucune parole d'ailleurs. En plus, ils fouillent tous les passagers une 2ème fois avant de rentrer dans l'avion, avec une telle insistance que nous décollons une bonne heure en retard, pourla plus grande colère du personnel de bord. Nous sommes consoléspar la bienveillance des hôtesses et stewards et la qualité du service, y compris de la nourriture. Nous avons l'impression de manger au restaurant ! L'avion est envahi par lespompiers de Caracas en rouge, bleu et jaune, forts aimables car nous arrivons à leur échanger une place pour nous asseoirensemble.
Le vol se passe bien, Nico dort beaucoup ! A Francfort, nous attendons peu puis nous prenons notre dernière correspondance. Enfin sur le sol alpin ! Nous sommes presque au bout du voyage ! Nos bagages n'ont pas suivi, mais ce n'est pas grave : ils nous serons livrés directement à la maison. Au terminal, nous avons un beau comité d'accueil : Arlette, Geneviève et surprise : Céline, une délégation Desmet ! Elle a craqué et malgré son état, n'a pas résisté à accueillir son frère ! Nous sommes gâtés aussi, car le comité est venu chargé de chocolat !
Un petit trajet nous reconduit à Annecy et l'aventure est vraiment finie... pour cette fois-ci !
Un grand merci à tout ceux qui nous ont suivis et à bientôt...