Nous déjeunons au café San Luis, déjà testé la veille au soir, pour déguster à nouveau les "tamales" et les "humitas" (spécialités à base de maïs). Puis nous sortons rapidement de Huanuco, direction Junín. La route est un peu fastidieuse au soleil, encadrée de flancs de montagnes secs de type marocain. Nous pique-niquons les pieds dans le caniveau sous les klaxons des véhicules, façon péruvienne, un peu pénible, de se saluer... Pauline fait un bout de route avec un jeune laveur de voitures en vélo et quelques kilomètres plus tard, nous nous arrêtons boire un coup dans un bled où Nico peut apercevoir quelques instants du match déplorable de l'équipe de France face au Mexique. Nous pédalons encore un peu pour trouver un emplacement propice au campement dans une petite forêt. Le jeune garçon, de la maison proche, nous vend des grenades et plus tard il reviendra avec des patates et de l'avocat à nous offrir. Il nous fait bien rigoler parce qu'il appelle Nico "tío" (tonton).
Au matin, c'est sa petite soeur qui vient nous chercher pour un petit-déjeuner à base de patates frites que seule Pauline s'enfilera (deuxième service après l'avoine au chocolat !). Nico se laisse juste tenter par une tisane pour calmer ses maux de ventre, la journée sera difficile pour lui. Nous mangeons tard dans un routier très classe à la télé gigantesque, mais sans football. Nous passons quelques villages miniers pour finir à la Quinua (village qui tire son nom des arbres à écorces antigel, les quinuales).
Une gentille dame nous accueille dans son jardin, elle possède une ferme de cuyes (cochons d'inde). Son fils, accompagné de 2 copains borrachos (ivrognes), perturbera son début de nuit ainsi que le nôtre. Nous continuons notre ascension vers le plateau de Junín, route encadrée de superbes falaises et surplombant un torrent autrefois utilisé pour moudre le grain, et nous arrivons, 24km plus haut, à un col à 4400m. La température change !
Bien couverts, nous attaquons la descente, jalonnée de villages miniers, en évitant Cerro de Pasco. Motivés par la carotte, nous poussons jusqu'à Canchacucho, porte du Bosque de Piedras de Huayllay. Dès l'entrée du village, nous sommes arrêtés par Percy et Liz devant l'office du ministère de l'environnement. Notre hôte est un des gardiens du "sanctuaire national" de Huyallay et sa femme, institutrice en vacances, l'a rejoint pour une semaine. Ils nous accueillent et nous permettent de camper derrière la maison (accessoirement, ils accueillent aussi un nid de souris qui viennent se servir allègrement dans nos sacoches).
Au petit jour, nous sommes réveillés en fanfare. Non, non, ne rigolez pas, la tradition, lors de la fête annuelle du village, est de rassembler ainsi tous les habitants pour le petit-déjeuné arrosé de Piña Colada et autres cocktails locaux. Après la visite de la rue principale en dansant (oups...) nous faisons la rencontre de Maruja, maire du village et guide touristique. Au menu : soupe de pâtes, suivie de "mote" (maïs cuit à l'eau) et de pachamanca (viande d'alpaga ou de mouton, cuite sous la terre, parfois pendant 15 jours). Bien rassasiés, nous nous esquivons pour aller grimper avec notre guide. Maruja nous fait la visite des voies puis surpervise nos essais d'un oeil attentif. Le rocher est absolument somptueux, pleins de trous engendrés par l'érosion dans cette roche à 90% volcanique (10% de sable et de craie). Seul l'équipement laisse parfois à désirer, disons qu'il faut aller chercher le premier point.
Après cette première session, nous rentrons en catimini (pour éviter la beuverie) juste à temps avant un violent orage de grêle. Nous troquons nos cordes contre le savon pour nous rendre aux bains thermaux de la Calera. Au passage, nous faisons la rencontre de Nestor et Alba, 2 espagnols, en voyage vers le sud et Leo et Alba, 2 catalans, qui restent sur le site, grimper quelques jours. Comme à Monterrey, on a le choix entre la piscine et les bains publics où nous nous décrassons après avoir bravés l'eau brûlante. De retour, bien délassés, nous nous écroulons dans notre tente.
Pour le deuxième jour de grimpe, nous invitons Liz, Percy, leur fille Ximena et Jose, le 2èmegardien, à se joindre à nous. Nous récupérons la corde de couenne de Maruja, ainsi que Leo et Alba. Nous posons une corde dans un 5+ où les débutants s'essayent chacun leurs tours. Après une bonne séance, tout le petit monde va manger un almuerzo puis nous revenons seuls pour finir par 2 belles longueurs.
C'est l'ultime jour de fête à Canchacucho, les noceurs sont clairsemés, on compte plus de musiciens que de danseurs... Nous passons prendre Leo et commençons par les voies de la veille. Puis notre ami hispano-colombien équipe une belle fissure, avec nos jeux de friends réunis, que l'on gravit en moulinette. S'en suit une superbe longueur en 6b+ où il est préférable de grimper que d'assurer, vu la caillante. La session nous achève par une voie en toit courte et physique. Pour le dîner, on achète du gâteau au chocolat pour se refaire les bras ! Le soir même, nous passons une agréable soirée avec Jose qui s'avère être un ornithologue averti (ou un fanatique de piafs pour d'autres...) et nous renseigne sur les différents volatiles et autres rencontrés depuis Quito.
Nico s'envoit la lessive à l'aube et à l'eau glaciale en ayant une pensée pour nos aïeux qui faisaient ça dans les torrents. Nous partons pour la visite des peintures rupestres du Bosque avec Alba et Leo mais on aura beau chercher, à part 3 graphitis, on ne trouvera que des blocs à grimper. La journée au grand air, frais, nous creuse et nous faisons du stop pour Huayllay pour nous envoyer un "pollo a la pobre" (poulet, riz, frites, bananes, saucisses, oeufs...) arrosé de Cabernet Sauvignon chilien. Nous nous motivons pour aller aux bains thermaux pour un ultime récurage avant le vélo du lendemain.
Après nos adieux à Jose, nous revenons sur nos pas pour récupérer la route de Cerro de Pasco à Junín. Nos amis catalans nous doublent en taxi, ils poursuivent vers le nord, Panama, Nicaragua, Mexique. Après une halte restaurative à Ninacaca dont l'église au toit de chaume est surprenante, nous continuons le long du lac de Junín. C'est l'habitat du zambulador, canard endémique, de la grenouille géante, mesurant jusqu'à 50cm (cuisses à tester !), ainsi que des flamands roses et des oies andines. Nous faisons une seconde pause à Carhuamayo pour que Nico confirme son retour à SNR en octobre. Choix cornélien mais guidé par les raisons de l'avenir. Nous débusquons un endroit paisible au bord du lac, derrière une maison abandonnée voir hantée car nous entendons des bruits de pas au grenier. Le vieux du coin la désosse avec son tournevis et sa pince et nous demande 10$ pour dormir à côté. Après de rudes négociations, il rentre chez lui, tournevis entre les jambes. Nous passons une nuit fraîche, gardés par un vieux lama.
Notre sortie de tente affole les ibis du lac mais rien ne vient nous réchauffer pour cette journée de vélo. Junín s'avère être une ville laide et sans intérêt. Un peu après, nous longeons le champ de bataille de Chacamarca où est érigé un obélix en mémoire d'une bataille entre les péruviens et les espagnols, 1erpas vers l'indépendance du Pérou. "La plus grande oeuvre que Dieu ait commandé aux hommes" proclame un panneau... La route file, s'enfoncent petit à petit dans une vallée aux falaises calcaires pour aboutir à La Oroya, fabuleuse citée pétrochimique. Nous passons notre chemin pour achever cette de étape de 90km à côté de la station de pesage du ministère des transports. Nous nous endormons, berçés par le moteur du groupe électrogène, des aboiements d'un chien et les gaz des camions.
Au réveil, Nico a des tendances meurtrières envers ce chien stupide. Nous enchaînons rapidement les kilomètres le long du fleuve Mantaro, qui s'écoule tranquillement vers l'Amazonie, Pauline aperçoit un cimetière haut perché dans une des nombreuses grottes de la vallée, ce qui lui donne des envies de pillages archéologiques. La gorge s'élargit, le lit du fleuve s'aggrandit et les pentes des collines environnantes se couvrent de reliquat de terrasses pour aboutir à la plaine de Huancayo. Nous optons, pour nous reposer, pour Jauja, première capitale péruvienne décrétée par l'empire espagnol. Nico fait de l'oeil à la propriétaire de l'hôtel, sans savoir qui elle est, et par la même, nous dégotte une chambre avec la télé pour les matchs de la coupe du monde, à prix modique.
Voilà, il faut quand même vous avouer quelque chose. Pour pouvoir faire autant de kilomètres, nous nous dopons... Et nous avons essayé déjà de nombreux fournisseurs !